Entre parenthèse.

Le blog reprendra son activité en septembre. Depuis le terrain, je pourrai vous donner des informations plus précises sur l’actualité des pays latino américains.

Avant de partir, voici une vidéo qui vous permettra de comprendre les évènements survenus dans la sierra Perija (outre ces incidents, magnifique massif montagneux que je conseille aux touristes qui aiment la nature) : http://www.aporrea.org/ddhh/n119299.html

Bonne rentrée à tous,

 

 

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Résultats définitifs du référendum bolivien.

Le décompte des voix est terminé en Bolivie: Ci-dessous vousretrouverez les résultats définitifs ainsi que quelques calculsbasiques.

Deux trois commentaires rapides sur ces résultats: Onassiste à plusieurs clivages. Le premier concerne la différence entreles zones urbaines et rurales, les zones rurales votent plusmassivement pour Morales que les zones urbaines. Soyez vigilants !Cette variable, en réalité, en cache une autre puisqu’il s’agit d’unedifférence de vote du à la composition socio culturelle de lapopulation et non de réelles différences culturelles entre la campagne etla ville. Les zones urbaines ont un noyeau de classes moyennes et aiséesqui votent moins Morales que le reste de la population, alors que dansles cerros qui entourent les grandes villes boliviennes, les tauxd’approbation du président sont sensiblement les mêmes que dans leszones rurales.

Le second concerne l’interprétation du tauxd’abstention et de ses conséquences. D’une part, on sait que desincidents (mineurs) ont  eu lieu le jour du scrutin dans les provincesde l’opposition, et plusieurs milliers d’indiens ont eu peur d’allersur leur lieu de vote dans les provinces séparatistes. D’autre part, onobserve des taux d’abstention supérieurs à la moyenne nationale dansles zones où l’opposition a remporté ses victoires, cette abstentionest d’autant plus étrange que l’enjeux était plus important encore dansces provinces que pour le reste du pays. Les habitants de Santa Cruzsavaient que leurs votes allaient compter double dans les négociationssur le statut d’autonomie de leur département. Est-il possible que lespressions exercées à l’encontre des supporters de Evo Morales aient pufavoriser l’opposition? Par un rapide calcul statistique, cettedifférence de taux d’abstention (si l’on considère que lesabstentionnistes auraient voté comme au niveau national), unemodification de 3 points du résultat du référendum aurait pu êtreobtenu dans la province de Santa Cruz, pas de quoi changer l’issue duscrutin mais de relativiser la victoire de l’extrême droite.

 Matroisième remarque qui découle de la seconde concerne le scoreétonnament bas de l’opposition. Moins de 60% de la population Cruzeña avoté contre E. Morales, 55% si les violences commises par lesautonomistes sont le reflet de l’abstention. Il s’agit d’un succès sanséquivoque mais qui montre néanmoins que l’opposition aux opposants dansla région est loin d’être anéantie. 

Enfin on assiste 

 

Voilà les résultats définitifs:

Pour Evo Morales: êtes-vous d’accord pour que le processus de changement mené par Evo Morales et Alvaro Garcia Linera continue?

Niveau national: Oui: 67,41%    Non:32,59%   Abstention: 16,67%     Nb d’inscrits: 4 000 000   Nb de votants: 3 370 000

Par Province:     

  Majorité à l’opposition

Santa Cruz (22% des votants)

Oui: 40,75% (Dif. Avec Niv. National – 26,66pts)

Non: 59,25% ( Dif. Avec Niv. National +26,66pts)

Abstention: 23,94% (Dif. Avec Niv. National +7,77pts)

Nb d’inscrits: 982 956

Nb de votants: 745 687

 

Beni (3% des votants)

Oui:  43,72% (Dif. Avec Niv. National -23,69pts)

Non: 56,28% (Dif. Avec Niv. National +23,69 pts)

Abstention: 23,98% (Dif. Avec Niv. National +7,81pts)

Nb d’inscrits: 148 711

Nb de Votants: 112 858

Tajira (4,5% des votants)

Oui: 49, 83% (Dif. Avec Niv. National -17,58%)

Non:50,17% (Dif. Avec Niv. National +17,58%)

Abstention: 20,20% (Dif. Avec Niv. National +3,53%)

Nb d’inscrits: 189 133

Nb de votants: 150 920

 

Total des trois provinces:

30% des votants

42,4% de oui (pondéré par nb de votant)

57,6% de non (Pondéré par nb de votant) 

Abstention moyenne : 23,41%

 

Majorité au gouvernement. 

La Paz (33% des votants)

Oui: 83,27% (Dif. Avec Niv. National +15,86pts)

Non:16,73% (Dif. Avec Niv. National -15,86pts)

Abstention: 11,63% (Dif. Avec Niv. National -5,04pts)

Nombre d’inscrits: 1 270 488

 Nombre de votant: 1 122 683

 Chuquisaca (5,5% des votants)

 

Oui: 53,88 % (Dif. Avec Niv. National -8,53pts)

Non:16,73% (Dif. Avec Niv. National +8,53pts)

Abstention: 19,27% (Dif. Avec Niv. National + 2,6pts)

Nombre d’inscrits: 221 493

 Nombre de votant: 178 783

Cochabamba (18% des votants)

Oui: 70,90% (Dif. Avec Niv. National +3,49pts)

Non:29,10% (Dif. Avec Niv. National -3,49pts)

Abstention: 13,99% (Dif. Avec Niv. National – 2,68pts)

Nombre d’inscrits: 712 117

 Nombre de votant: 612 513

 Oruro (5,5%)

 

Oui: 83% (Dif. Avec Niv. National +15,59pts)

Non:17% (Dif. Avec Niv. National -15,59pts)

Abstention: 12,89% (Dif. Avec Niv. National – 3,78pts)

Nombre d’inscrits: 208 311

 Nombre de votant: 181 039

Potosi (7%)

Oui: 84,87% (Dif. Avec Niv. National +17,46pts)

Non: 15,13% (Dif. Avec Niv. National -17,46pts)

Abstention: 15,55% (Dif. Avec Niv. National – 1,12pts)

Nombre d’inscrits: 281 643

 Nombre de votant: 237 855

Pando (1%)

 

Oui: 52,50% (Dif. Avec Niv. National -14,91pts)

Non: 47,50% (Dif. Avec Niv. National +14,91pts)

Abstention: 15,83% (Dif. Avec Niv. National – 1,4pts)

Nombre d’inscrits: 33 794

 Nombre de votant: 28 445

Total des 6 provinces.

70% des votants

de oui

de non

d’abstention 

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Quand Fox News censure les crimes géorgiens…

Voilà une vidéo qui devrait en convaincre plus d’un du traitement partial de l’actualité par les médias privés… Durant ce reportage on y voit le journaliste de Fox News qui tente par tous les moyens de couper les passages durant lesquels les victimes accusent la Géorgie.

 

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Un actualité vénézuélienne trés chargée (agressions de journalistes, Telesur et nationalisation)

Une cascade d’évènements importants viennent de se produire au Venezuela.

Agression de journalistes 

Je commence par l’agression de journalistes VTV  et communautaires (pro-gouvernementaux) dans la sierra Perija, état de Zulia. Ces journalistes accompagnaient une commission présidentielle pour les droits indigènes. Le général Izquierdo Torres aurait ordonné à ses troupes de ne pas laisser passer les journalistes et ces dernieres auraient retenues et agréssées les journalistes qui couvraient l’évènement. Il semble qu’une sombre histoire de crimes soit la cause de cette violence. Des propriétaires terriens de la région auraient tués et refusé de céder des terres qu’il considéraient comme la leur à des indiens en vertu de la loi de réforme agraire qu’a promulgué Chavez. Le général Torres voulant étouffer l’affaire s’en serait alors pris aux journalistes. Les organisations communautaires en appellent à Chavez pour que l’intégrité physique et morale des journalistes ne soit pas atteinte. Toutes ces informations sont à prendre au conditionnel puisque les journalistes ne sont à cette heure même toujours pas rentrés à Caracas.  Nous reviendrons bien evidemment quand nous auront plus d’informations sur cette affaire.

 Nationalisations

Autre actualité marquante: aujourd’hui les cimenteries du Venezuela seront définitivement vénézuéliennes. C’est en effet, à cette date que les usines privées seront définitivement nationalisée. 

Paraguay-Venezuela 

Suite à l’accord de San Pedro de Ycuamandyyú, Le Paraguay participera à la chaîne d’information Telesur. Cette initiative de  Chavez semble de plus en plus fédérer les pays latino américains. De même, la Mission Milagro II pourrait donner lieu à des accords de coopération avec Ascuncion. Fernando Lugo serait-il moins modéré que ce que l’on le laisse souvent entendre?

Actualité satellitaire. 

Le satellite Simon Bolivar sera bel et bien lancé le 1er novembre 2008 et sera un vecteur de puissance pour toute l’amérique latine a annoncé Soccoro Hernandez, ministre des télécommunications. Il sera mis au service du peuple. D’autre part le gouvernement vénézuélien travaille à un autre projet satellitaire a affirmé Hugo Chavez, celui ci sera prés en 2012 et devrait avoir pour objectif de cartographier la terre et fournir -un peu à l’image de google earth mais en plus précis- des images de la planète.

  Je sais que tout cela fait un peu revue de presse mais il y avait une telle actualité que je n’ai pas pu faire autre chose. D’autant plus qu’en ce moment vous vous en doutez je suis débordé par les préparatifs du départ à Cuba. Merci de votre indulgence.

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Entre la comédie et le drame: La Géorgie.

Ce blog est normalement consacré à l’Amérique Latine et à la Francemais je n’ai pu m’empécher de relever des erreurs factuelles et desphrases scandaleuses de la part des politiques français, européens etaméricains au sujet de la Géorgie.

 Je commence par G. Bush, quipourra toujours se reconvertir dans la comédie, à défaut de pouvoirêtre réélu président des Etats-unis. Il aurait déclaré à la Russie que: "La brutalité et l’intimidation ne sont pas une manière acceptable demener la politique étrangère au 21e siècle"… Est-il besoin derappeler que c’est le président de la nation qui a envahitl’Afghanistan en 2001, déclenché un coup d’état contre un gouvernementdémocratique en 2002, attaqué l’Irak en 2003 puis maintenu une arméesur place, qui a augmenté à partir de 2004 le budget de la défenseaméricaine, qui soutient les vélléités indépendantistes de la provinceraciste de Santa Cruz en Bolivie, qui envoie sous prétexte de"préserver la paix" une flotte de guerre en Amérique Latine, qui ademandé aux pays de l’Europe de l’est d’installer un bouclieranti-missile, qui a crée une prison illégale où l’on torture et"rééduque" des terroristes, qui dirige la nation au tauxd’incarcération le plus élevé au monde; oui! Au monde! Largement devantCuba ou la Chine! (selon le HRW), qui construit des centres dedétention, des murs, a organisé des milices privées contre les émigrésmexicains, qui a par le biais d’associations et de sociétés écrandéclenché la révolution orange, puis la révolte Kirghize qui parle.

Ilprouve encore une fois que la morale des américains est profondémentinéquitable: Lorsque les américains interviennent parce que des serbestentent de mater une rébellion Kosovarde, c’est pour la préservation dela paix. Lorsqu’il s’agit d’une intervention comparable mais au profitdes russes, c’est une grave atteinte aux droits de l’homme. Encore unefois libre à eux d’avoir une Realpolitik pragmatique, c’est même mieux:au moins on ne travestit pas les concepts. Mais ce qui est terriblementabjecte est de faire croire aux peuples et à son peuple que l’on défenddes principes intangibles dans les relations internationales, on lancedes slogans despotiques qui ne sont rien, qui ne signifient rien. Lepire là dedans, c’est que nous, français, en se pensant par ces sloganson nous fait croire que l’"occident", invention contemporaine, existeet que nous en faisons parti, l’individu alliéné par son oppresseur sepense selon les slogans auquel son agresseur ne croit même pas. 

J’aientendu Sarkozy dire qu’il défendait la démocratie et la souverainetéde chaque pays à disposer de lui même. Bien sûr on ne peut qu’êtred’accord  avec ces slogans. Mais je me demande quand est ce que ceprincipe fut respecté par les Etats-unis ou les pays européens:Lorsqu’ils sont intervenus en Somalie et ont permis à une guerre civilede durer 15 ans de plus que ce qu’elle aurait du durer? Ou peut êtreque la séparation du Timor Oriental n’était pas une atteinte à lasouveraineté? Ou le Kosovo? Ou le Venezuela? Ou l’Irak? Oul"Afghanistan? Ou l’Iran? Ou le Liban? Ou la Palestine? 

Certainsont dit à l’époque sur la question du Kosovo, qu’il s’agissait d’aiderun peuple à retrouver son indépendance et la démocratie. Mais quelleindépendance? Pense t-on réellement qu’un micro état comme le Kosovopuisse être pleinement indépendant? Pense t-on qu’un pays de 2 millionsd’habitants et trente fois plus petit que la France puisse êtreindépendant? Comment imaginer que ce gouvernement pourra s’opposer s’ille souhaite à des pays comme les Etats-unis ou la Chine sans s’aligner?

Les pays européens soutenant contre vents et marées uneGéorgie qui a agréssé la Russie voudraient que celles-ci ne défende passes ressortissants? Que ferait la France dans un cas de figurecomparable? La réponse est trés simple elle utiliserait la forcemilitaire pour récupérer une portion de son territoire. Mais il sembleinadmissible pour nos dirigeants politiques que l’on veuille protégerses ressortissants et que les massacres commis par les géorgiens leursoient plus supportables que ceux des ossètes.

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Aprés l’union énergétique, cap sur l’union industrielle.

Chavez a proposé devant des entreprises brésiliennes la création d’une union sud américaine des industries. Il s’agirait, selon le président d’inscrire la croissance vénézuélienne et sud américaine dans le long terme en ne dépendant plus des entreprises du nord. Il a ainsi regrétté que les métros qui se construisent actuellement au Venezuela ne soient construits que par des entreprises européennes et a trouvé absurde que le Venezuela importe des rails d’Europe ou des Etats-unis alors que le pays est l’un des premiers producteurs de fer au monde.

Cette idée devrait être poursuivie avec le Brésil lors de la prochaine réunion Lula/ Chavez. Nous vous informerons des développements ultérieurs de ce projet, qui, il faut l’espérer, ne sera pas confié à des entrepreneurs privés mais créera un service public sud américain du rail. Un projet d’autant plus intéressant pour le Venezuela qu’il n’existe qu’une seule ligne de chemin de fer et qu’en raison de l’apauvrissement des ressources pétrolières dans le monde, la patrie de Bolivar a tout intérêt à réduire sa consommation pétrolière sans suspendre les aides à l’achat d’essence (La mémoire du Caracazo empêcherait trés certainement toute augmentation du prix de l’essence).

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La victoire de Evo Morales est plus importante que prévue.

Aprés dépouillement de plus de 90% des bulletins de vote il apparait de plus en plus que l’ampleur de la victoire du président Bolivien est historique. Selon le CNE (Consejo National Electoral), Evo Morales recueille 67,73% des voix contre 32,27% de "No" (avec une participation de plus de 80%) qui réclame sa destitution. Il est aussi majoritaire dans toutes les régions sauf trois (Santa Cruz, Tarija et Beni). Même certains bastions de la droite bolivienne sont tombés à l’image de Chuquisaca où le "si" recueille 53,88% des voix, ou Pando avec 52,5%. De même, il conforte sa position dans certains départements comme Potosi où il obtient environ 85% de "si". Autre remarque, sur les trois régions où l’opposition est majoritaire seulement dans deux departements (Santa Cruz (60% de "No") et Beni (57% de "No")) l’opposition obtient une nette victoire, Tarija étant un match nul entre gouvernement et opposition (49,83% contre 50,17%). Le département de Beni étant trés peu peuplé, seule la région de Santa Cruz pose désormais un réel problème au gouvernement.

Il serait dommage que Evo Morales cède aux éxigences particulièrement répugnantes et racistes (A titre d’exemple Ruben Costas a traité Chavez de "Macaque"…) de la province de Santa Cruz alors qu’il bénéficie d’un soutien massif de la population dans son pays et non négligeable dans la province sessécionniste (40%). Enfin, Morales devrait utiliser tous les moyens légitimes dont il dispose (y compris de police) pour déloger le gouverneur de la région de Cochabamba, Reyes Villa, ex-chef de la sécurité du dictateur Garcia Meza. Celui-ci refuse, en effet, de se soumettre au suffrage universel et par conséquent de quitter son poste.

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Vidéos sur les relations entre Cuba et les Etats-unis.

Entretien avec Salim Lamrani, spécialiste des relations cubano-américaine. Il va un peu trop loin dans son soutien au gouvernement cubain mais il connait bien son sujet et il a raison sur l’utilisation abjecte des droits de l’homme par les gouvernements des pays développés.

 Vidéo n°1

Vidéo n°2 

 

Vidéo n°3 

 

Vidéo n°4

Vidéo n°5

 

Vidéo n°6

 

Vidéo n°7 

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En Bolivie Evo Morales triomphe, Santa Cruz agresse.

C’est une victoire historique, un triomphe pour Morales. Le président Bolivien a pulvérisé son score de la présidentielle, passant de 53% à 62% de vote en sa faveur (avec une participation proche des 80%). Relégitimé par l’onction populaire, il aura fort à faire avec le gouverneur de la province de Santa Cruz, qui a vu dans sa non révocation l’occasion d’accélérer le processus d’autonomisation de la province. Irresponsable, il aura appelé les militaires à se soulever contre le président, ses partisans auront humilié des indiens en public durant la campagne et pour "fêter" la victoire de Ruben Costas agréssé des indigènes, la province refusant d’obéir au pouvoir central émancipateur et par égoisme, cette dernière menace d’édicter ses propres normes en matière agricole et pour certaines fonctions tutélaires.

Evo Morales continue d’appeler au dialogue avec Santa Cruz mais il semble pour l’heure bien seul… Devrait-il mener une action plus radicale contre la province ? Beaucoup le pense. Mais espérons qu’il puisse raisonner les responsables politiques de la région.

 

 

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Avant le référendum: Mes impressions à La Paz

La Bolivie a bien changé. A La Paz, j’assiste à une grande réception donnée par l’ambassadeur de Cuba. Mojitos, buffet, danses, grosse ambiance. Où sommes-nous ? Dans la salle des fêtes de… l’armée bolivienne. Oui, celle qui a tué le Che.
 
La Bolivie a bien changé, mais tout le monde ne lui veut pas que du bien. Nous sommes venus nous en rendre compte sur place avec quelques intellectuels progressistes d’une quinzaine de pays : Frei Betto, Ernesto Cardenal, Ramsey Clark, François Houtart, Luis Britto Garcia, Pascual Serrano… Quelques journées de rencontres et d’échanges avec des intellectuels boliviens, des représentants des communautés indiennes, des artistes…
Le moment est tendu. La droite essaie de provoquer une scission des riches régions de l’Est. Pour déjouer la manœuvre, le président Evo Morales, à mi-mandat, appelle à un référendum révocatoire, ce 10 août. Une sorte de vote de confiance. Il remet son mandat en jeu, mais aussi celui des préfets de départements, y compris ceux tenus par l’opposition. La droite tente de saboter le référendum et on craint des incidents…
Nous allons voir qui est derrière ces incidents, quel rôle jouent ici les Etats-Unis, et la CIA, et un ambassadeur vraiment curieux, et aussi l’Europe…

Un Bolivien sur quatre doit émigrer
Impressions fortes. Physiquement, d’abord. La Paz est à 3.600 mètres d’altitude. Son aéroport à 4.000 mètres. Arrivés dans la nuit, à court d’oxygène, nous sommes au bord de l’évanouissement. Très prévenants, les jeunes qui nous accueillent, nous font asseoir au calme, s’occupent de nos bagages et nous laissent récupérer notre souffle.
Le premier jour sera consacré au repos, à l’acclimatation. Avec Luis, un ami vénézuélien, nous faisons un petit tour, à petits pas et de banc en banc, dans une des plus belles capitales du monde. Imaginez une immense cuvette, bordée par les grandioses montagnes Huayna Potosí (6.094 m) et Nevado Illimani (6.460 m), non loin du lac Titicaca, le plus haut lac navigable du monde. Ici, l’eau bout à 80°. Et toutes les rues sont en pente.
Ce qui frappe à La Paz, en hiver en tout cas, c’est la douceur du climat, ensoleillé et frais. Et la douceur des gens. Partout, on vous accueille avec gentillesse, avec une sorte de sérénité tranquille. Les Indiennes portent de lourds vêtements avec de superbes châles bariolés. Et de curieux petits chapeaux ‘boule’, noirs, bruns ou gris. Parfois, elles portent aussi des charges impressionnantes. Les Indiens représentent deux tiers de la population.

L’importance des communautés indiennes
« Un Indien président ? L’oligarchie blanche, raciste, ne l’accepte toujours pas. », nous confie Evo. En fait, j’ai commencé à comprendre toute la richesse de cet héritage indien en visitant avec des amis boliviens Tiwanaku, la capitale d’un ancien empire Inca…
Nous sommes sur le très haut plateau de l’Altiplano, bordé de montagnes. Ici, les Indiens vivent, dans des conditions difficiles, d’agriculture et d’élevage. Pas un nuage dans le ciel, un air incroyablement pur, on sent encore le froid de la nuit.
Tiwanaku fut une ville immense, les fouilles commencent à peine. Une centaine d’Indiens de la région sont occupés à restaurer le temple, une énorme pyramide en terrasses. C’était une civilisation très avancée qui construisait ses bâtiments en s’appuyant sur une connaissance poussée de l’astronomie. Elle avait créé une industrie métallurgique et textile. Elle cultivait plus de deux cents sortes différentes de maïs et quatre cents sortes de patates. Dont une espèce qui pouvait se congeler et rester comestible dix ans. Le système d’irrigation était très perfectionné avec une inclinaison très précise pour que les pierres réchauffent l’eau et l’empêchent de geler. Système si perfectionné qu’aujourd’hui, le ministère de l’Agriculture va le réutiliser pour développer l’agriculture en terrasses. L’eau est rare ici, un trésor.
Un vieil Indien opère avec notre petit groupe une cérémonie rituelle, une sorte de sacrifice de petits objets symboliques, pour célébrer l’union avec le Cosmos et rassembler les souhaits que nous formons. Emotion.
Il ne s’agit pas ici de glorifier le passé pour le passé, mais d’en préserver la mémoire et les valeurs pour les intégrer à la nouvelle société. Un journaliste bolivien nous explique l’importance que prend ici la communauté : « C’est un élément fort de la Bolivie. Tenez, selon les statistiques internationales, le paysan bolivien a un revenu moyen de cinquante dollars par an. Autant dire qu’il est mort ! Sauf si on comprend que l’économie communautaire est la base de notre vie ici. »
Bref, un héritage précieux qu’on ne peut pas perdre.

Le sort des Boliviens quand ils émigrent…
Impressions fortes aussi sur les réalités sociales de ce pays. A La Paz, les classes hautes vivent dans le bas de la ville, à 3.000 mètres, où on respire plus facilement. Les basses classes, par contre, à El Alto (pas besoin de traduire) : 4.000 mètres. Petits commerces, petits artisanats, un peu d’élevage dans les hauts plateaux… La vie est dure.
Deuxième pays le plus pauvre d’Amérique latine, la Bolivie a vu émigrer un sur quatre de ses enfants. Pourquoi ? Pendant des siècles, cette terre a été colonisée par l’Espagne. Et tous les bénéfices de ses richesses minières, extraites au prix d’un travail meurtrier dans un quasi-esclavage, ont été emportés en Europe. Pendant des décennies, son gaz et son pétrole ont profité à une poignée de riches, mais surtout à quelques multinationales, européennes notamment. Le Nord a bien saigné le Sud. Ne laissant sur place que la misère.
Et les conflits. Evo Morales, président depuis deux ans et demi, n’est pas tombé du ciel, il est le fruit de longues années de résistances ouvrières et paysannes. Les communautés indiennes ont toujours été exploitées, exclues, méprisées par une élite blanche et raciste, liée aux Etats-Unis et à l’Europe.
Voilà d’où viennent la pauvreté et le sous-développement. Mais quand les Boliviens, pour survivre, vont faire les ménages en Europe, celle-ci les traite comme des criminels et les emprisonne. Même des enfants ! Evo Morales a courageusement dénoncé la récente ‘Directive de la Honte’ qui permettra à tous les pays européens d’emprisonner jusqu’à dix-huit mois les délinquants, pardon : les immigrés.
Justement, avant de partir, je venais de rencontrer à Bruxelles des travailleurs immigrés, notamment latinos. En lutte depuis des mois pour obtenir des papiers, c’est-à-dire leurs droits, leur dignité. Face à des ministres complètement sourds, ils ont été obligés de mettre leurs vies en danger : grève de la faim, escalade de grues… Appréciant beaucoup la lettre d’Evo à l’U.E. ils m’ont chargé de remettre un petit message de gratitude au président bolivien. Je le lui ai remis. Sourire sur sa figure.
En fait, quand on voit ici la pauvreté, les salaires dérisoires, le manque d’industrie, on comprend pourquoi tant de Boliviens doivent émigrer. Mais, en allant plus loin, on comprend aussi que l’Europe est une sale hypocrite qui porte une lourde responsabilité dans cette émigration. Nous allons y revenir…

Qu’a réalisé Evo ?
Mais voyons d’abord ce qu’a réalisé Evo en deux ans et demi… Il a nationalisé le pétrole et le gaz. Vous voulez savoir pourquoi, dans nos médias, on dit du bien du président colombien Uribe et du mal d’Evo Morales ? Très simple. Le premier a fait passer les taxes sur les multinationales de 14% à… 0,4%. Pour faciliter l’installation de ces multinationales, ses paramilitaires ont chassé de leurs terres quatre millions de paysans. Le second a osé rendre à la nation bolivienne les richesses qui lui appartenaient afin de combattre la pauvreté.
En nationalisant les hydrocarbures, Evo a multiplié par cinq les revenus de l’Etat et s’est donné les moyens de soulager les maux les plus urgents : analphabétisme en baisse de 80%, retour à l’école d’une partie des enfants travaillant dans la rue, création d’écoles dans les langues indiennes aymara et quechua (vingt mille diplômés), soins de santé gratuits déjà pour la moitié des Boliviens, pension Dignidad pour les plus de 60 ans, crédit à zéro pour-cent pour des produits comme le maïs, le blé, le soja et le riz. Grâce à l’aide du Venezuela, six mille ordinateurs ont été offerts, surtout à des écoles. Grâce à l’aide de Cuba, deux cent soixante mille personnes ont été opérées des yeux. Ailleurs en Amérique latine, elles seraient condamnées à être aveugles, car pauvres.
En outre, les investissements publics ont fortement augmenté pour développer l’économie. La Bolivie a comblé son déficit fiscal, remboursé la moitié de sa dette extérieure (de 5 à 2,2 milliards de dollars), reconstitué une petite réserve financière, multiplié par quatre l’emploi dans les mines et la métallurgie, doublé la production et les revenus de ces industries. Le PIB industriel est passé de 4,1 à 7,1 milliards de dollars en trois ans. Mille tracteurs ont été distribués à des paysans. De nouvelles routes ont été construites.
Bref, la Bolivie avance. Pas assez vite, disent certains pour qui Evo n’y va pas assez fort contre la droite et les grands propriétaires. C’est un débat à mener entre ceux qui vivent sur place et peuvent apprécier la situation, ses possibilités, ses dangers. En sachant qu’il ne suffit pas de dire « Y a qu’à » pour sortir un pays de la pauvreté et de la dépendance. En sachant qu’il faut tenir compte du rapport de forces avec la droite qui s’agite beaucoup et sabote. En tenant compte de l’armée (Tous ses chefs seront-ils loyaux jusqu’au bout ?).
Autre facteur négatif : « La Justice demeure totalement corrompue », m’a confié… le plus haut magistrat de La Paz. « C’est une vieille caste qui se protège et protège les intérêts des riches. C’est un véritable business. Pourtant, nous avons menacé de révocation immédiate tout juge qui sera pris en flagrant délit. Mais c’est un combat difficile. »
Et justement, quand je me trouvais là, la Justice venait fameusement en aide à la droite en essayant d’empêcher par une bataille juridique la tenue du référendum. Mais il y a danger bien plus grand que la Justice…

Derrière la droite, les Etats-Unis préparent une guerre civile
C’est le nouveau truc des Etats-Unis. S’avérant incapable de gagner une guerre d’occupation, Washington recourt à la guerre indirecte, la guerre par intermédiaires. Actuellement, la stratégie de Washington est d’essayer de provoquer une guerre civile en Bolivie. Pour cela, les provinces contrôlées par la droite et qui contiennent les grandes propriétés agricoles liées aux multinationales ainsi que la majorité des réserves de gaz et de pétrole, ces provinces multiplient les provocations pour préparer une sécession.
Ayant personnellement étudié l’action secrète des grandes puissances pour faire éclater la Yougoslavie, j’ai tenu à attirer l’attention des Boliviens, lors de quelques interviews : aujourd’hui, Washington risque de transformer leur pays en une nouvelle Yougoslavie.
Voici les ingrédients de son action : 1. Des investissements massifs de la CIA. 2. Un ambassadeur spécialisé dans la déstabilisation. 3. Des fascistes expérimentés. Avec ces ingrédients, vous pouvez préparer un coup d’Etat ou une guerre civile. Ou les deux.
Premier ingrédient. Comme au Venezuela, la CIA investit beaucoup en Bolivie. A travers ses paravents habituels : USAID, National Endowment for Democracy, Institut Républicain International, etc. Les organisations de la droite séparatiste sont abondamment subventionnées. L’USAID a, par exemple, financé Juan Carlos Orenda, conseiller du Comité civique de Santa Cruz d’extrême droite et auteur d’un plan prévoyant la sécession de cette province.
Mais aussi des organisations plus discrètes chargées de semer la confusion et de préparer une propagande anti-Evo. A l’université San Simon de Cochabamba, la Fondation du Millénaire a reçu 155.000 dollars pour critiquer la nationalisation du gaz et défendre le néolibéralisme. Treize jeunes dirigeants boliviens de droite ont été invités à des formations à Washington : 110.000 dollars. Dans les quartiers populaires d’El Alto, USAID lance des programmes pour « réduire les tensions dans les zones sujettes à conflits sociaux ». Lisez : discréditer la gauche.
En tout, des millions de dollars ont été versés à toutes sortes d’organisations, des groupes étudiants, des journalistes, des politiciens, des magistrats, des intellectuels, des hommes d’affaires. Le parti populaire espagnol, autour de José Maria Aznar, participe aux manœuvres.
Deuxième ingrédient. D’où vient Philip Goldberg, l’actuel ambassadeur des Etats-Unis en Bolivie ? De Yougoslavie. Où il a accumulé une riche expérience sur la manière de faire éclater un pays. De 94 à 96, il a travaillé en Bosnie pour l’ambassadeur Richard Holbrooke, un des stratèges de la désintégration. Puis, il a fomenté les troubles au Kosovo et la scission entre Serbie et Monténégro. Un expert, on vous dit.
Et pas inactif. Comme le raconte le journaliste argentin Roberto Bardini : « Le 28 juin 2007, une citoyenne américaine de vingt ans, Donna Thi, de Miami, a été détenue à l’aéroport de La Paz pour avoir tenté d’introduire dans le pays cinq cents balles de calibre 45 qu’elle avait déclarées aux douanes comme du ‘fromage’. Au terminal, l’attendait la femme du colonel James Campbell, le chef de la mission militaire de l’ambassade US en Bolivie. L’ambassadeur US Philip Goldberg est intervenu immédiatement pour obtenir qu’on la relâche en disant qu’il ne s’agissait que d’une ‘innocente erreur’. Les munitions, a-t-il déclaré, ne devaient servir qu’au sport et au spectacle. En mars 2006, un autre citoyen US, Triston Jay Amero, alias Lestat Claudius, un Californien de 25 ans, porteur de quinze documents d’identité différents, a fait exploser trois cents kilos de dynamite dans deux hôtels de La Paz. »
Pourquoi a-t-on exporté Goldberg des Balkans à la Bolivie ? Pour transformer, j’en suis sûr, ce pays en une nouvelle Yougoslavie. Le séparatisme est une méthode privilégiée par les Etats-Unis pour reprendre le contrôle de richesses naturelles ou de régions stratégiques lorsque des gouvernements se montrent trop indépendants, trop résistants aux multinationales.
Troisième ingrédient. Des fascistes expérimentés. En Bolivie, Goldberg a ouvertement soutenu et collaboré avec des hommes d’affaires croates à la tête de la sécession. Particulièrement, Branko Marinkovic, membre de la Fédération des entrepreneurs libres de Santa Cruz (province sécessionniste). Très grand propriétaire de terres, Marinkovic tire aussi les ficelles de Transporte de Hidrocarbures Transredes (qui travaille pour Shell). Il gère les six mille kilomètres de pipelines de gaz et de pétrole qui mènent au Chili, au Brésil et en Argentine.
Et quand ces gens sont-ils venus de Croatie ? Il faut rappeler que, durant la Seconde Guerre mondiale, Hitler a installé une Grande Croatie fasciste où ses collaborateurs, les Oustachis, ont mis sur pied des camps d’extermination (y compris un spécialement pour enfants !), perpétrant un génocide épouvantable contre les Serbes, les juifs et les tziganes. Après leur défaite, l’Eglise croate et le Vatican ont organisé, les Ratlines, filières d’évasion des criminels fascistes croates (et de Klaus Barbie). De la Croatie à l’Autriche, puis à Rome. Et de là vers l’Argentine, la Bolivie ou les Etats-Unis.
Quand on sait que Franjo Tudjman et les dirigeants de la ‘nouvelle’ Croatie née en 1991 ont réhabilité les anciens criminels croates de la Seconde Guerre mondiale, on aimerait savoir si Monsieur Marinkovic renie tout ce passé ou bien si, tout simplement, il emploie les mêmes méthodes là où il se trouve à présent. Quant aux Etats-Unis, on sait qu’ils ont récupéré et recyclé quantité de criminels et d’espions nazis de la Seconde Guerre mondiale. Les réseaux, ça sert toujours.

Ce qui se cache derrière le séparatisme
Voilà, tous les ingrédients sont prêts pour faire exploser la Bolivie… Les dollars de la CIA, plus des experts dans la provocation de guerres civiles, plus des fascistes recyclés en businessmen. Une guerre civile qui servirait bien les intérêts des multinationales, mais que l’opinion internationale doit absolument empêcher. Les Boliviens ont le droit de décider eux-mêmes de leur sort. Sans la CIA.
Car une sécession ne profiterait qu’à l’élite. L’écrivain brésilien Emir Sader vient d’écrire très justement : « Aujourd’hui, une des modalités qui renferme le racisme, c’est le séparatisme, les tentatives de délimiter les territoires de la race blanche, en s’appropriant et privatisant les richesses qui appartiennent à la nation et à son peuple. Nous connaissions déjà ces intentions sous la forme des quartiers riches qui cherchaient à se définir en tant que municipalités, afin que la part des impôts prélevée obligatoirement de leurs immenses richesses, reste dans leur escarcelle pour augmenter les bénéfices de leurs quartiers retranchés, derrière lesquels ils cherchaient à isoler et défendre avec une sécurité privée, évidemment, leurs styles de vie privilégiés ». (…) Le référendum séparatiste est une expression oligarchique, raciste et économique car ils veulent garder l’usufruit des richesses de Santa Cruz pour leur propre bénéfice et parce que les oligarques veulent, en plus, empêcher que le gouvernement d’Evo Morales poursuive son processus de réforme agraire et qu’il l’étende à tout le pays. »
Cette autonomie-là, en effet, ça veut dire que les Blancs riches qui ont contrôlé la Bolivie depuis toujours, refusent d’être gouvernés par la majorité, non blanche, de l’Ouest. Quand on parle d’autonomie, Evo Morales répond : « Parlons d’autonomie, non pas pour l’oligarchie, mais pour les peuples avec qui nous luttons. Ces groupes séparatistes qui viennent de perdre leurs privilèges, ont été depuis longtemps dans le Palais, ils ont gouverné et ont permis que l’on pille notre pays, nos ressources naturelles, y compris les ressources de base, de même que la privatisation de nos entreprises, et maintenant ils envisagent de nouveau ce système qui démontre son véritable intérêt : le contrôle économique ».
Mais il n’y a pas que les Etats-Unis qui s’acharnent sur la Bolivie…

L’hypocrisie de l’Europe :
qui donc l’a causée, « toute la misère du monde » ?
Pourchassant les sans-papiers, l’Europe glisse dans un soupir de dame patronnesse : « Nous ne pouvons quand même pas accueillir toute la misère du monde ». Ah, bon ? Mais, en réalité, cette misère, c’est vous qui l’avez créée ! Vos Charles-Quint, vos Louis XIV, vos Elisabeth I et vos Léopold II ont allègrement massacré les ‘sauvages’ pour voler leurs richesses ! Le décollage économique du capitalisme européen s’est construit sur ce pillage. Et jusqu’à aujourd’hui, vos sociétés minières, agricoles et autres n’ont cessé de piller les matières premières sans les payer, n’ont cessé de dominer et déformer les économies locales et de bloquer leur développement ! N’est-ce pas vous qui avez une Dette à rembourser au Sud ?
Serait-ce du passé ? Dans les médias, les responsables européens aiment à raconter qu’aujourd’hui, ils ne veulent que du bien à l’Amérique latine et au tiers monde…
« Totalement faux », me confie avec indignation Pablo Solon qui représente la Bolivie dans les négociations commerciales entre l’Amérique latine et l’U.E : « La Bolivie l’a exprimé à l’U.E. Avant les négociations, nous avions dit que nous ne négocierions pas un traité style Libre Commerce. Et nous avions communiqué nos points de divergence sur les services, les investissements, la propriété intellectuelle et les biens publics. La Commission nous a promis qu’on discuterait ces points dans la négociation. Qu’à la différence des ‘autres’, on ne nous imposerait pas un format unique. Mais, lorsque nous nous sommes réunis avec Peter Mandelson, commissaire européen pour le Commerce, il nous a dit de façon catégorique et impérative : ‘Ceci est un Traité de Libre Commerce. Ou bien vous l’acceptez, ou bien vous êtes hors des négociations.’. J’ai répondu personnellement que nous n’allions pas nous exclure et que nous allions défendre nos points de vue jusqu’au bout. Car la Bolivie a beaucoup d’industries qu’elle doit défendre : acier, plastique, papier, qui ont besoin de mécanismes de protection tout comme ce fut les cas pour les industries naissantes européennes à l’époque. »
Effectivement, l’Europe se montre hyper-dominatrice et arrogante. Elle prétend imposer à toute l’Amérique latine et aux Caraïbes l’arrêt des subventions qui aident à développer les produits locaux, la suppression des droits de douanes aux importations (mais elle refuse de faire de même chez elle !), la suppression de toutes limites pour les exportations européennes (refusant l’inverse), le transfert sans limites de la main d’œuvre européenne qualifiée, la modification de toutes les lois protégeant les économies locales.
Et en plus, elle veut imposer la privatisation de tous les services, biens et entreprises des Etats. Alors qu’en 2000 déjà, sur les cinq cents plus grandes entreprises d’Amérique latine et des Caraïbes, 46 % appartenaient déjà à des entreprises étrangères.
Et en plus, l’U.E. prétend imposer des brevets sur le vivant (la Bolivie a une biodiversité très riche convoitée par les multinationales chimiques et pharmaceutiques). Mais le vivant, et l’eau aussi, ne sont-ils pas des biens essentiels à la survie, un patrimoine qui doit rester à ceux qui l’ont toujours protégé et utilisé à bon escient ?
En définitive, l’U.E. veut imposer des traités tout à fait déséquilibrés qui tueront les entreprises boliviennes. Tout ce qu’elle cherche, c’est que les entreprises européennes puissent envahir librement les marchés. Donc ruiner ces pays. Donc provoquer de l’émigration. Un système absurde, non ?

Qui ‘choisit’ l’immigration et pourquoi ?
J’ai écrit que l’Europe chassait les émigrés latinos. Ce n’est pas exact. Elle ne les traite pas tous de la même façon.
D’un côté, le patronat européen importe les meilleurs cerveaux du tiers-monde, et aussi des techniciens très qualifiés. Sous – payés pour grossir les bénéfices des sociétés. C’est ce que Sarkozy et d’autres appellent ‘immigration choisie’. Le maître sélectionne ceux qui auront la chance de travailler pour lui. Mais ce vol des cerveaux prive le tiers-monde des gens qu’il a formés (à grand coût) et qui seraient nécessaires à son développement. Une nouvelle forme de pillage.
De l’autre côté, l’Europe accueille aussi une partie des non qualifiés. En les laissant sans papiers, donc sans droits, elle les oblige à vivre dans la peur, à accepter des salaires et des conditions de travail qui constituent un recul social. Bon moyen de diviser et de faire pression sur les autres travailleurs. Voilà comment se fabrique la ‘compétitivité’ de cette vertueuse Europe. La façon de traiter les sans-papiers n’est pas une bavure, elle est un rouage essentiel d’un système économique égoïste.
Résumons. L’Europe a volé l’Amérique latine. L’Europe continue à voler l’Amérique latine. Elle l’empêche de nourrir ses enfants. Mais quand ceux-ci sont forcés d’émigrer, elle les emprisonne. Ensuite, elle donne des leçons de démocratie et de moralité au monde entier.

Le temps est venu
Je n’ai pu rester longtemps en Bolivie, mais ce peuple m’a profondément impressionné. Je me rappelle ces milliers de manifestants qui descendaient, ce dimanche-là, vers le centre de La Paz, dans leurs minibus, leurs autos ou leurs taxis bondés, Indiens et Blancs, du plus clair au plus foncé..
Avec un calme étonnant, bien moins de bruit que dans n’importe quelle manif du monde. Avec une détermination simple et noble. Et dans leurs yeux, une évidence : le temps est venu de mettre fin à des siècles d’humiliations, le temps est venu de la dignité pour tous, le temps est venu de faire disparaître la misère.
Et je repensais à ces amis sans-papiers de Bruxelles, manifestant eux aussi pour leur avenir et pour leur dignité. Le problème est évidemment le même, à Bruxelles et à La Paz : à qui doivent servir les richesses d’un pays ? Et si ce problème ne se résout pas à La Paz, des millions de sans-papiers continueront à frapper aux portes de l’Europe.

Et demain ?
Comment cela évoluera-t-il ? Pour le 10 août, un institut de sondage pro-US annonce une victoire d’Evo par 60%. Comme la plupart de mes interlocuteurs à La Paz. Certains craignaient, par contre, l’influence du problème de l’inflation et du renchérissement de la vie. D’autres craignent que la droite lance des provocations violentes pour empêcher le référendum.
Quoi qu’il en soit, le référendum ne résoudra rien, ni dans un sens, ni dans l’autre. Evo Morales sera toujours devant le même problème : le gouvernement est à gauche, mais ne contrôle pas l’économie du pays, ni les médias (aux mains des gros propriétaires et de la multinationale espagnole Prisa), ni les universités, ni l’Eglise qui est aux côtés des riches, comme d’habitude dans ce continent. On ne peut pas tout faire en deux ans et demi. Mais, pour avancer, Evo devra réussir à mobiliser plus avant les masses populaires. Sa seule force.
De toute façon, après le référendum, la question restera la même : les richesses du pays doivent-elles servir à enrichir les riches et les multinationales ou bien à développer le pays et à vaincre la pauvreté ?
Pour trancher cette question à leur avantage, les Etats-Unis sont prêts à tout. Et le mouvement progressiste international ? Comment réagira-t-il contre la désinformation et la préparation d’une guerre civile ?
La réponse dépend de nous tous.

 
Août 2008 
Publié dans Bolivie | Laisser un commentaire