Uribe, cet habile manipulateur

Six ans d’une longue détention prennent fin pour Ingrid Bétancourt.On ne peut que se réjouir d’une telle liberation. Et pourtant, celle-cia un goût amer.

Chefs d’état, télévisions, radios, et journauxse sont empressés de saluer la fermeté d’Uribe qui a permis de porterde graves coups aux FARC. La cause était entendue. Uribe a triomphé desFARC. Marulanda mort, son numéro 2 Raul Reyes neutralisé par uneattaque illégale, A. Cano se retrouvait isolé; la sécurité et ladémocratie sont revenues en Colombie grâce aux incroyables qualités deson chef.

Certes, les FARC sont une guérilla violente quin’hésite pas à enlever, séquestrer et  tolérer le Narco trafic. Maisils sont loin d’être les seuls, les paramilitaires censés "protéger" lapopulation colombienne face aux attaques des FARC utilisent les mêmesméthodes que la guérilla à une exception prés et de taille, ils nemenacent pas directement les intérêts de la classe dominantecolombienne. Ils y sont, au contraire liés. A. Uribe est connu pouravoir eu des connivences (si ce n’est plus) avec ces groupes, comme denombreux groupes, industriels, et firmes privées. Comment expliquer,sinon par la connivence des médias avec le pouvoir en place, qu’alorsque prés de 75% des assassinats politiques commis dans le pays soientimputables au paramilitaires (Human Rights Watch) , ces derniers n’enaient jamais parlé? Comment expliquer que les médias oublient presquetoujours de parler du cessez le feu, le début d’intégration des groupesarmés marxistes dans les années 80? Et des raisons qui ont jeté cesmilliers de personnes dans la lutte armée, a t-on oublié l’assassinatdans les années 80 de ces 3 000 militants de l’Union Patriotica et deson chef: Jaime Pardo?

Une longue histoire de violence. 

 Pourcomprendre la situation actuelle de la Colombie, il faut en comprendreles origines. Tout commence avec l’émergence de Jorge Eliecier Gaitandans les années 40. Le président, progressiste modéré fait peur auxélites colombiennes qui vont tout tenté pour empêcher le chef du partilibéral de prendre le pouvoir. En 1948, alors que ce dernier est favoripour l’élection présidentielle, il est assassiné certainement par laCIA ou par des membres de l’élite de Bogota. Des émeutes éclatentréprimées avec une extrême violence par la ploutocratie colombienne.S’en suit une guerre civile de 5 ans, particulièrement sanglante aucours de laquelle prés de 300 000 colombiens trouveront la mort. Lespremières milices d’auto défense se créent à cette époque.

Libérauxet conservateurs dans l’impossibilité de trouver une solution auconflit vont alors s’entendre pour gouverner face à l’émergence denouveaux groupes armés plus radicaux. Libéraux et conservateurs serontles seuls à pouvoir se présenter aux élections, ce qui pousse lesautres formations politiques à la guérilla. Les FARC naissent dans cecontexte de violence généralisé et de démocratie imparfaite.

Le second échec de la prise du pouvoir par les urnes. 

En1984, un accord de cessez le feu est conclu avec l’armée colombienne.Des guerilleros réintègrent la vie civile. Mais le gouvernementcolombien et l’armée organisent pour la seconde fois une répressionsanglante qui  provoque la mort de prés de 3000 militants de l’UnionPatriotica et l’assassinat des deux candidats à la présidentielle:Jaime Pardo Leal et Bernardo Jaramillo Ossa. La voie démocratique estune impasse pour les guérilleros, l’élite colombienne ne veut pas de lapaix, la lutte armée reprend.

 Dérives des FARC et du gouvernement.

LesFARC, isolés et sans ressources face à un gouvernement colombien quireçoit une aide massive de la part des Etats-unis, pragmatiques,trouvent de nouvelles ressources pour financer la lutte armée. Lenarcotrafic, les enlèvements et l’impôt révolutionnaire demandé auxgrandes entreprises deviennent courants. De son côté le gouvernementtente de déléguer la guerre sale de l’armée vers les paramilitaires.Les syndicalistes, militants des droits de l’homme, ou simple militantsde gauche sont assassinés en grand nombre. Les modalités de financementde ces groupes se rapprochent de celles des FARC. On assiste donc à desdérives des deux côtés de l’échiquier politique.

Dans ce contexteet en raison de l’histoire violente du pays on comprend alors mieuxpourquoi les FARC continuent la guerre contre un gouvernementautoritaire et une démocratie imparfaite. Certes, aujourd’hui lesguérilleros devraient déposer les armes mais A. Uribe est il disposé àtendre la main à la paix… Rien n’est moins sûr.
 

L’affaire Bétancourt, une vaste farce. 

 L’actualitédu jour est la libération d’Ingrid Bétancourt. En dehors, des analysesles plus fantaisistes comme le paiement d’une rançon aux FARC de 20millions de dollars et une mise en scène de la libération d’Ingrid, peud’analystes ont eu l’intelligence de voir dans quel contexte cettelibération eu lieu. Car A. Uribe savait trés certainement depuis unlong moment où se trouvait la franco-colombienne, il auraitcertainement pu mener l’opération quelques mois avant. La question estdonc de savoir pourquoi a t-il attendu si longtemps?
Premierconstat, l’échec d’Uribe à mettre fin à la guerre civile en Colombie.A. Uribe s’il a réduit les forces des FARC et de l’ELN, a vu laconsolidation des groupes paramilitaires et des narcotraficants. Laviolence reste la norme en Colombie.
Deuxièmement,  l’opérationintervient "miraculeusement" au moment où la légalité de l’électiond’A. Uribe est remis en question par la cour constitutionnelle deColombie. Certes, se présenter indéfiniment à des élections libre etdémocratique ne serait pas anti démocratique en soi, aprés tout nombrede pays démocratique n’ont pas de limitation de mandats, mais dans unedémocratie imparfaite et inachevé, soumise aux Etats-unis et avec unprésident aux liens présumés avec les groupes paramilitaires(responsables de la majorité des crimes en Colombie) certains, remettreson mandat en jeu contre l’avis même de la justice (sans passer par desvoies légales) revêt une pratique pour le moins douteuse du pouvoir.

 Lalibération "miraculeuse" d’Ingrid Bétancourt n’est donc nullement unhasard, A. Uribe se réservait patiemment le "jocker", écran de fuméeIngrid Bétancourt pour occulter ses liens avec les paramilitaires,l’inconstitutionnalité de sa réélection en 2006 et sa mise en causedans les affaires judiciaires.

Ce contenu a été publié dans Colombie. Vous pouvez le mettre en favoris avec ce permalien.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *


*